Cela faisait un petit moment que je voulais faire un post sur un livre, que tout petit écolier des Pyrénées-Orientales a lu à l'école, du moins je crois

Je me permets donc de faire un petit aparté très simple (et très personnel aussi

Prosper Mérimée
Pas besoin ici de faire la bio complète de l'auteur, juste quelques précisions pour mieux appréhender le livre et comprendre les sources d'inspiration de l'auteur.
Mérimée, historien et archéologue
Dans la Vénus d'Ille, le narrateur est archéologue. En descendant de Serrabonne, il s'arrête en plaine du Roussillon et fait une halte à Ille. Ce narrateur, c'est Mérimée lui-même.
- Il est nommé Inspecteur des Monuments Historiques en 1831, et est amené à voyager partout en France
- Il initie un classement des Bâtiments Historiques en 1842, qui donnera plus tard naissance à la Base Mérimée
Aussi, mêler l'histoire (références nombreuses à l'histoire grecquo-romaine, aux phéniciens, à la mythologie), l'art (sculpture, personnage de l'antiquaire) et à l'archéologie (découverte de la Vénus dans un contexte similaire à celui d'une fouille) lui est chose naturelle.
Mérimée, voyageur et curieux des cultures
Les activités professionnelles de Prosper Mérimée le mènent à arpenter le territoire francais, de Paris à Perpignan, du Puy-en-Velay à Carcassonne. Il en profite pour rédiger de nombreux récits de voyage.
De même, son goût pour la littérature, sa curiosité pour certains auteurs et ses amitiés personnelles l'amènent à voyager, et à découvrir différents pays.
Il écrira entre autres la Méditerranée.
Tour à tour, il explorera de sa plume l'Espagne (Perle de Tolède, Carmen, Lettres d'Espagne), la Grèce (Marino Vreto), l'Italie (Le Vase Etrusque, Il Viccolo di Madama Lucrezia), la Corse (Colomba) et la Catalogne,à travers La Vénus d'Ille.
Mérimée et son goût du mysticisme
Mérimée est un passionné d'histoire antique et de mythologie. Aussi il n'hésite pas à s'aventurer au récit fantastique.
Il trouve par ailleurs l'inspiration dans les auteurs russes : Pouchkine, poète romantique, épuré, qui depeint les drames de l'âme humaine, et Tourgueniev, qui lui-même s'essayera au récit fantastique avec Apparitions (que Mérimée traduira).
La Vénus d'Ille s'inscrit donc parfaitement dans l'oeuvre de Mérimée, car elle incarne très nettement sa personnalité, ses goûts et ses choix.
L'Histoire de la Vénus d'Ille
Ami lecteur, loin de moi l'idée de dévoiler ici le dénouement de l'histoire

L'histoire de la Vénus d'Ille mêle, dans un contexte tout méridionnal, l'avidité, l'idôlatrie, la naïveté et la violence.
La nouvelle conte la trouvaille d'un antiquaire, petit bourgeois de village, et ses répercussions sur une noce à venir.
L'homme, M. de Peyrehorade, trouve la sculpture en bronze d'une femme dans son jardin, sous la souche d'un olivier mort. Fier de sa Vénus noire, il décide de la laisser trôner au milieu du parc.
Son fils Alphonse, un jeune homme fier et avide, s'apprête à prendre pour épouse la jeune Mademoiselle Puygarrig, belle et pure. Sa fierté l'amène à "abandonner" l'anneau de prix estimé à sa promise au doigt de la Vénus. En effet, il s'engage dans une partie de pelote basque contre une équipe d'Aragonais, où son orgueil et ses prouesses le mènent à la victoire. La partie achevée, il oublie la bague au doigt de la statue.
Rentré de la noce, lors de laquelle il a passé un anneau de moindre valeur au doigt de son épouse, il essaye de récupérer la bague de valeur. Mais la Vénus l'en empêche...Un drame s'en suit.
Références à la Catalogne
Mérimée ne passé que peu de temps dans les Pyrénées Orientales, mais assez pour conférer à sa nouvelle un caractère authentique et ce, malgré la dimension fantastique du conte.
Il utilise des éléments de son observation pour planter ses décors et assurer son récit.
Le Canigou
Mérimée plante son décor dès les premières phrases grâce à la montagne des Catalans, en décrivant sa descente sur la plaine et la découverte d'Ille. Il impose ses sensations : l'air de la montagne qui lui donne faim, le Canigou sous la lune qu'il considère comme "la plus belle montagne du monde", les garnements qui trainent dans le jardin de l'antiquaire en entonnant Montagnes Regalades. En jouant de ses sens, il confère à son récit du tonus et de la véracité.
La rudesse des moeurs provinciales
Mérimée fait plusieurs fois référence à l'oubli des Parisiens du reste de la France. Il dépeint parfaitement la coexistence cocasse de l'archéologue érudit parisien et de la petite bourgeoisie villageoise méridionale : les Parisiens "si difficiles", les Catalanes "grasses passé 40 ans", les allures de dandy d'Alphonse qui ne peuvent cacher ses mains de laboureur, les esprits forts du Roussillon.
La culture de la ripaille, du banquet du vin
Mérimée introduit dans son récit des références directes à la bonne chère, si importante aux yeux des roussillonnais. On trouve ainsi les fiertés locales telles le vieux vin de Collioure, les pigeons et confitures qui ornent la table, le chocolat chaud de Barcelone (de contrebande!), de nombreuses allusions à la vigne et à l'olivier. Il se sert ainsi de ce qu'il a certainement été amené à manger lui-même. De simples details qui permettent au récit de prendre vie.
Le Jeu de Paume
La Vénus d'Ille se joue en 5 actes : la découverte de la statue, les tensions sous-jacentes (l'union des 2 jeunes gens, les premiers incidents), la partie de pelote, le mariage, le dénouement funeste.
La partie du jeu de paume intervient au milieu du récit. C'est un jeu de balle très populaire à l'époque. Les Pyrénées-Orientales n'échappent pas à la règle. Au nord on joue au Jeu de Paume. A l'ouest à la pelote basque. Au sud à la pilota valenciana.
Mérimée, qui constate la popularité du jeu, et la proximité de la place du Jeu de Paume de la Résidence qui lui inspire la maison et le jardin de l'antiquaire (Maison du Comte à Ille-sur-Têt), décide d'utiliser le simple resort d'une partie de pelote pour introduire un élément anodin mais décisif pour son histoire.
Cette nouvelle est donc un classique de la culture roussillonnaise, dans le sens où Prosper Mérimée retranscrit son amour de l’Europe méridionale (en l’occurrence à travers sa visite en Pyrénées Orientales, sa juste observation des mœurs locales et sa perception des rythmes de la vie catalane de l’époque.
Pas étonnant alors que la Vénus d’Ille soit encore aujourd’hui enseignée aux écoliers et jouée chaque année dans de nombreux villages du Roussillon.